5 octobre 2024
Jacques Thévenet : « Bien. Alors, oui, c'est vrai qu'en même temps, ce qui est bien, bon, dans les coulisses de la radio, les auditeurs ne voient rien, mais entendent tout ! Mais… pas complètement tout, parce que nous, en dehors de l'émission, on jacasse, on discute, un peu comme l'auditeur, d'ailleurs, qui est derrière son poste ! Bon, il écoute la musique, ça le distrait, tout ça, mais c'est vrai que toujours, on est tenté de discuter, de parler, de tout et de rien mais… c'est toujours bien de dire quelque chose… Qu'on se le dise, hein, c'est surtout ça ! »
Lydie Solomon : « Exactement ! Exactement, qu'on se le dise ! »
Jacques Thévenet : « Donc, je pense que le titre, il est là-dedans, en fait, c'est ça : « Qu'on se le dise ! ». Parce que, qu'on se le dise, oui mais… qu'on se dit quoi… ? »
Lydie Solomon : « Ben voilà, c'est ça, exactement ! »
Jacques Thévenet : « C'est le titre de l'album, hein ! »
Lydie Solomon : « « Qu'on se le dise ! » Ç'a aurait pu être aussi « Entende qui a des oreilles », ou, comme je t'ai raconté l'histoire tout à l'heure… L'idée, c'était de dire que, voilà, c'est un disque posthume entre guillemets, même si on n'est pas morts… »
Jacques Thévenet : « Ben tant mieux ! »
Lydie Solomon : « … en tout cas exhumé d'une petite boîte blanche qui avait pris la poussière pendant quinze ans, et… »
Jacques Thévenet : « Ça rappelle l'enfance, ça, quand on est un peu gamin, ou, enfin, de la famille qui rangeait les photos dans une boîte en métal ou en bois, comme on veut… »
Lydie Solomon : « Exactement. Et dans cette boîte blanche il y avait pas des madeleines… de Proust, mais il y avait des CD qui avaient le même effet que les madeleines de Proust, c'est-à-dire qu'elles nous ont replongés quinze ans en arrière. Et donc, dans « Qu'on se le dise ! » il y a plusieurs dimensions, mais une des dimensions c'est : « qu'on se le dise, le temps n'existe pas ! ». Quand on aime on ne compte pas, comme tu le disais tout à l'heure. »
Jacques Thévenet : « Tout à fait. Et… alors, dites-moi, vous deux. Donc, comment vous avez participé aux enregistrements ? Parce que ce sont des morceaux que vous avez remixés, que vous avez réenregistrés forcément puisque… Bon il y a les artistes dont on a parlé il y a quelques instants. Alors, dites-moi, quel est… quelle a été la magie de cette fabrication ? Comment ça s'est passé ? »
Lydie Solomon : « Donc, j'ai parlé beaucoup de John, de Darryl. J'ai pas parlé de Pablo Nemirovsky qui joue sur « Mon voyage » et avec lequel il y a une petite anecdote rigolote, parce que Thierry tu disais hors antenne : « on papote, on papote », et tu disais qu'il improvisait super bien, et c'est vrai… bon, alors moi je viens du classique, et donc l'improvisation c'est totalement antinomique avec le métier d'interprète classique. C'est pour ça aussi que j'ai été attirée par le jazz, parce que le jazz, pour moi, même si je le connais moins bien que… bien sûr, que mes pairs dans le disque, pour moi ça m'évoque cette… ce cri du cœur et des tripes, vibrant, qui va au-delà de la musique, en fait. C'est un cri d'expression pure, et j'ai toujours cherché, moi, la musique à la source, l'expression à la source, et pour moi le jazz, c'est vraiment une expression qui est tellement véridique, vitale, qu'elle m'a vraiment touchée. Et ce qui contribue à cela, c'est qu'il y a pas de partition, puisqu'à chaque fois elle doit se recréer à l'instant présent, ce que nous, on connaît moins bien en tant que musiciens classiques, mais qu'on devrait s'efforcer de faire aussi en interprétant des partitions. Et donc j'avais écrit une partition pour le bandonéoniste, et puis il a joué autre chose. Alors je lui dis : « ah mais vous voyez, là c'est un sol dièse, et non pas un la… »… enfin je dis n'imp… c'étaient deux notes. Il me dit : « ça m'étonnérait » ! En fait, pourquoi, lui il était pas au sol dièse près, il était juste à l'inspiration de l'instant présent. Alors ça fait un choc des cultures, mais un choc très positif, tu vois. Mais c'était quand même un électrochoc. »
Jacques Thévenet : « Ouais c'est formidable, fantastique, ces rencontres ! Et justement donc, de passer au classique… sans oublier le classique, parce que tu peux toujours en jouer, et… »
Lydie Solomon : « Mais bien sûr ! »
Jacques Thévenet : « … et tu as réalisé, d'ailleurs, des albums classiques et… donc en arrivant au jazz bon, c'est… j'ose pas dire le mot émancipation… comment dire, s'épanouir librement… »
Lydie Solomon : « Tu peux le dire, je pense qu'il y a de cela. »
Jacques Thévenet : « … dans les notes de musique, et la création… d'écrire… d'écriture ! »
Lydie Solomon : « Bien sûr ! C'était un travail complet… d'expression, puisqu'il y avait : écrire les textes, les paroles, rencontrer des musiciens, rencontrer des musiciens d'une culture différente, qui m'ont prise par la main et qui ont été très bienveillants, parce que… ils avaient affaire à une pianiste classique qui s'essayait à la chanson jazz, donc c'est quand même encore un choc des cultures. Mais pour répondre à ta question de tout à l'heure – peut-être tu peux en dire quelques mots, Thierry – mais, toutes les pistes que… ce que je peux dire, c'est que les chansons qu'on entend sur le disque ont vraiment été enregistrées il y a seize ans. Et on n'a rien réenregistré. Par contre il y a eu tout un travail de post-production après, dont tu peux dire quelques mots si tu veux, mais tout était là déjà dans cette boîte blanche. »
Jacques Thévenet : « D'accord. »
Thierry Lier : « Ce que je peux juste ajouter : on a fait mastériser les morceaux pour qu'il y ait une égalité de couleur sur… par rapport aux six premiers morceaux de « Harmonie » et puis ceux-là, qu'il fallait un petit peu relifter, mais il y a eu aucun ajout, enfin, c'est vraiment le… et c'était… tous les instruments… tous les enregistrements, on voulait les faire en live, donc on était dans le même studio, on jouait en même temps. C'est pas comme parfois, je sais que… il y a la basse qui joue, et puis la batterie d'un autre côté, et puis le piano, et puis après on mélange tout ça, et la chanteuse qui vient chanter dessus… On a tout fait en même temps ! On avait chacun notre boîte, on avait chacun nos micros, nos trucs… et on voulait garder cette authenticité et cette spontanéité. Ça, c'était très important. Ça a énormément plu à John et Darryl parce que leur musique, c'est comme ça, en fait. Et donc, ça, on a… donc, là, c'est du brut, simplement c'était dans un… c'était enfoui pendant quinze ans et on le ressort, donc c'est un trésor, en fait ! C'est comme une découv… une chasse au trésor. Mais, je voudrais dire quelque chose sur l'improvisation. Parce que ça, ç'a été un sacré… on a tous… parce que, une chanteuse de jazz, normalement elle improvise, on est d'accord ? Et alors, Lydie qui n'avait jamais improvisé au piano, déjà… déjà la faire chanter c'était quelque chose, dans une musique d'une culture différente, c'était déjà une deuxième chose, et puis de la faire improviser… Alors, on l'a laissée s'imprégner, et puis on l'a un petit peu poussée, notamment sur deux morceaux. Il y a un morceau qui s'appelle… le… »
Jacques Thévenet : « Tiens, il y a une pochette… »
Thierry Lier : « … c'est le… « Soft obsession » ! Merci. Voilà, « Soft obsession », à la fin on joue dans un cycle qui revient tout le temps, et là elle se met à partir dans une… dans une… une improvisation un peu surréaliste. Elle était… je peux te dire que… elle était sur un nuage. A la fin elle était ailleurs, sur une autre planète. Elle… elle nous regardait… on avait l'impression qu'elle était… complètement ailleurs… Elle s'était laissée aller. Et puis aussi c'était sur « El efecto mariposa », où là c'est pas de l'improvisation, ça serait plutôt du… c'est pas du rap non plus, mais elle parle. Elle dit… elle dit… « viens danser avec »… »
Lydie Solomon : « « Vamos a bailar » »
Thierry Lier : « Voilà, voilà, bailar, tout ça… »
Jacques Thévenet : « Alors, on va peut-être écouter ces deux titres, finalement. On va commencer par « Soft obsession »… »
Thierry Lier : « Alors, « Soft obsession, il faut prendre la version avec la rythmique, où elle se lâche le plus… »
Jacques Thévenet : « Ouais parce qu'il y a une version en duo. »
Thierry Lier : « C'est la… c'est… voilà, 14. »
Jacques Thévenet : « OK. Donc, c'est la quatorzième plage de l'album, n'est-ce pas ? »
Thierry Lier : « Exact. »
Jacques Thévenet : « Et, alors, donc, par rapport… alors attends, parce que j'ai un peu peur avec la platine. Voilà, on l'écoute ! »
« Soft obsession » : Lydie Solomon (vocal), Thierry Lier (piano), Darryl Hall (double bass}, John Betsch (drums)
Each time I wake up I hear
A voice dragging, dragging me-e back to
My dreams but something then reminds me
I am to live awake
I'm not allowed to wander
In Wonderland, not being allowed to
Become myself.
Soft obsession
Crawling, demanding oppressing obsession,
Why won't you let me, let me be?
Each time I have a wonderful thought
I hear a voice telling me it's not sensible
Each time I yearn to save them all
I hear a bell, a resounding bell in my head,
It's banging, banging against the walls
Of my consciousness, whispering to me
“Wake up, wake up”
Soft obsession
Harsh and selfish oppressing obsession,
Why won't you let, let me dream?
Vous êtes à l'écoute de JazzBox Radio International.
Jacques Thévenet : « Avec Lydie Solomon, notre invitée, en compagnie de Thierry Lier qui est aussi dans le studio, autour de… du nouvel album, enfin j'ose plus dire le nouvel album : « Qu'on se le dise ! ». Depuis quinze ans c'était dans une boîte, au-dessus d'une armoire, et lorsque la boîte a été ouverte, eh bien, la magie a parlé d'elle-même, quoi, en fait. »
Lydie Solomon : « C'était pas la boîte de Pandore, mais… »
Jacques Thévenet : « Voilà, presque ! Et tous les musiciens en étaient imprégnés et conquis ! Et voilà le résultat du voyage depuis tout à l'heure, jusqu'à cette obsession, cette douce obsession, « Soft obsession », à JazzBox. Merci, en tout cas. On va écouter encore un dernier titre avant de se séparer. J'espère qu'on pourra écouter encore un autre titre, mais ça me semble très mince… Mais, quand même, on va laisser faire, par exemple avec ce titre, « El efecto mariposa ». Tu peux nous… »
Lydie Solomon : « L'effet papillon. »
Jacques Thévenet : « Ouais… »
Lydie Solomon : « L'effet papillon que j'ai écrit en hommage à un ami très cher qui nous a quittés à un âge beaucoup trop jeune, il avait vingt-cinq ans. Et l'effet papillon, tu connais, c'est… un battement d'ailes à un endroit de la planète provoque un ouragan ou un tsunami à l'autre bout de la planète. C'est les effets insoupçonnés de certaines choses qui nous paraissent être des détails, ou même qu'on n'a pas remarquées, et qui, en fait, ont des répercussions importantes dans notre vie. »
Jacques Thévenet : « Alors, les papillons, on les aime beaucoup à JazzBox, parce qu'il est arrivé déjà qu'un papillon se promène dans la pièce du studio… »
Lydie Solomon : « C'est vrai ? »
Jacques Thévenet : « … et donc, il y a pas eu d'ouragan, heureusement… »
Lydie Solomon : « Ah ! Ben… on sait pas ! Peut-être à l'autre bout de la terre… »
Jacques Thévenet : « Ah, c'est pour ça ! J'entends, aux informations, quelques fois… »
Lydie Solomon : « Voilà, c'est ça, exactement. »
Jacques Thévenet : « Très bien, on écoute, tu nous redis le titre, parce que tu vas le prononcer mieux que moi. »
Lydie Solomon : « « El efecto mariposa ». »
« El efecto mariposa » : Lydie Solomon (vocal), Thierry Lier (piano), Darryl Hall (double bass}, John Betsch (drums), Remilson Nery (percussions)
Cada año tiene ciclos
Se ve en las primeras veces
La primera vez
Que vas al mar enciendes un fuego
En estos momentos
Se ve que nada es como antes
Han pasado
Tantas cosas en un año
Sobre-vivir, sobre-sentir
Hace un año
Que se marchó
Ella tiene dos almas
En un, un cuerpo
A veces tienes ganas
De volver al pasado
Decirles lo que has visto
Pero no podrás cambiar el latido
De alas de la mariposa
Sobre-vivir, sobre-sentir
Hace un año que se marchó
Ella tiene dos almas
En un, un cuerpo
Hey friends, swing with us! JazzBox Radio International, the best radio, real friendship!
Finale de la « Toccata » de Maurice Ravel : Lydie Solomon (organ)
Jacques Thévenet : « Et voilà, notre cérémonie JazzBox prend fin, hélas ! J'espère qu'il y aura d'autres prochaines fois. Lydie Solomon, Thierry Lier, merci de votre présence à JazzBox. »
Lydie Solomon : « Merci pour ton invitation, Jacques ! »
Thierry Lier : « Merci Jacques, et ce n'est qu'un au revoir, merci beaucoup ! »
Jacques Thévenet : « Je le souhaite de tout cœur ! »
JazzBox Radio International (Jacques Thévenet), 05/10/2024